Une Vie

Publié le par Michèle Soullier

Quand j'étais enfant, l'existence me semblait une éternité.

L'âge adulte, une réalité lointaine, un futur que je me plaisais à imaginer, à rêver, sans vraiment savoir comment le construire.

La vieillesse, un monde abstrait, inconcevable, et les vieux, une catégorie à part que je regardais avec un mélange de compassion et de moquerie.

L'enfance a duré un siècle. Le temps y était paresseux. Il s'écoulait lentement, très lentement.

L'adolescence un peu moins, mais quand même. L'année scolaire n'en finissait pas. Les grandes vacances étaient vraiment grandes.

L'âge adulte (adulte depuis quand ?) fut un tourbillon, une course, avec le maître mot « gagner sa vie ». Lutte permanente dans un environnement hostile. Pas le temps de se poser, ni de trop réfléchir à sa condition. Projets, désirs, passions qu'il faut accomplir, assouvir avant qu'il ne soit trop tard. Car déjà, au fur et à mesure des années, on commence à regarder dans le rétroviseur.

Aujourd'hui, aux portes de la vieillesse, enfin je ralentis la machine. L'heure du bilan ?

Je réalise le temps qui s'est écoulé, les jours, les mois, les années consommées, comme un gâteau bien entamé. Ce qui reste à vivre, ce qui a été vécu.

Assez de gesticulations. Aller à l'essentiel, se débarrasser des futilités. Cultiver le jardin que les contraintes du quotidien m'ont amené à négliger. Décider enfin de ce qui est important et de ce qui ne l'est pas. Renoncer ? Peut-être. Mais est-ce du renoncement ou de nouveaux choix ?

Renoncer ? Oui. A la jeunesse, au paraître, à la beauté du corps. Accepter cette mutation qui modifie la perception que l'on a de soi, qui change le regard d'autrui. Admettre cette déchéance inexorable. L'accueillir avec sérénité.

 

MS - Novembre 2016

Publié dans L'air du temps

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