Ecris ! Ecris sur la beauté.

Publié le par Michèle Soullier

Ecrire sur la beauté. Il m'a lancé ce défi...Je médite, je me jette à l'eau.

Pour le commun, c'est ce qui est plaisant à regarder, à écouter, à sentir. Ce qui fait vibrer nos sens, nos émotions. Mais d'aucuns soutiennent que la beauté est une affaire de géométrie, d'équilibre, de nombre d'or. Une notion quasi-scientifique. Vaste débat qui oppose depuis la nuit des temps philosophes, théoriciens de l'art et autres penseurs.

Mais finalement tout dépend sur quoi on met la focale :

L'objet, qui pour être « beau » doit répondre à des critères et des codes d'esthétique, ou le point de vue du sujet, la perception qu'il a de l'objet, c'est-à-dire sa subjectivité.

En architecture, en peinture et dans bien des domaines, la question des proportions est en effet fondamentale. Pourquoi cette construction me heurte-t-elle, qui vient défigurer les belles lignes de ce village perché ? Sa tour qui émerge, arrogante, écrase le reste des habitations, brise une harmonie. Mais elle est aussi un symbole : celui de la domination, du mépris, du manque d'humilité. Alors, erreur de proportion, faute de goût, mauvais goût ? Mais au-delà de ça, quelque-chose qui me touche en tant que sujet spectateur et sur lequel il m'est difficile de mettre des mots.

Et le beauté féminine ? Ou plus généralement d'une personne, à quoi ça fait appel ? Aux proportions ? Aux codes culturels et sociaux ? Ou est-ce une affaire d'émotion ? Un regard, un geste, inexplicable, indicible mais bien réel et qui va au sensible.

Et la beauté d'une œuvre d'art ? Peut-elle se résumer à l'équilibre des volumes, des formes, des couleurs...Si c'était que ça, ce serait simple, presque binaire : beau / laid. Pas discussion.

Alors peut-être qu'en effet, la beauté, ça ne s'explique pas, ça ne s'évalue pas, ça s'apprécie, ça se vit, ça se ressent, tout simplement. Ce qui m'émeut, te laisse indifférent. Ce qui te subjugue, m'ennuie. Ce que tu trouves trash, me fascine...Ce qui est beau pour moi sera alors ma définition de la beauté.

Je n'aime pas ce qui est convenu et « politiquement correct ». Ça m'emmerde ! J'aime ce qui interpelle. L'inattendu, le décalé, l'impertinent. Ce qui a vocation à plaire à tout prix, le poli, le lissé, le policé, ce qui caresse dans le sens du poil, n'apporte pas grand chose.

L'inattendu, le décalé, l'impertinent, interroge nos certitudes, bouscule notre petit confort intellectuel. Il est militant.

Alors, oui...Oui, à la violence des mots s'il le faut, à la noirceur des images, au dissonant, à l'outrancier, à l'imparfait.

Je trouve beauté dans l'humour noir, la dérision comme expression de la révolte face à l'injustice et la bêtise du monde. Beauté dans les explosions de couleurs, les formes baroques, le minimalisme, le sombre, le flou, le délabré, l'usé, le vieillissant. Toutes ces expressions qui reflètent l'âme humaine, et sa dérisoire condition.

Mais je trouve aussi beauté dans la nature. Une cascade en sous-bois, un pré couvert de jonquilles, le silence. Des falaises sous la brume, des eaux dormantes comme des miroirs, et le chant des oiseaux. Beauté dans la lumière du soir qui allonge les ombres, les ciels majestueux, le parfum des citronniers et l'odeur iodée de l'océan.

Je trouve beauté devant l'oeuvre des hommes qui raconte des histoires. Histoires de vie, de souffrance et d'amour. Une maison aux murs décrépis, aux grilles rouillées, un jardin désuet envahi de ronces, et malgré l'abandon, l'odeur de la glycine et du lilas. Je trouve beauté devant les grandes cheminées d'usine qui s'érigent vers le ciel, devant leurs fumées opaques qui diffusent des lueurs étranges, devant les ports encombrés de navires, de containers et de grues. Devant les lumières de la ville vues du ciel...et bien d'autres choses encore.

Ces images, ces sons, réveillent en moi des émotions enfouies, effacées de ma conscience, mais que les tréfonds de ma mémoire ont gardé en secret. Ils sont des morceaux d'enfance, des instants privilégiés de vie. Ils ressurgissent parce qu'une senteur, parce qu'une musique, parce qu'une saveur les tirent de leur léthargie. Ils sont source de joie, de bonheur et d'extase... Ils sont beauté.

M.S. photo Tristan Zilbermanoctobre 2016

 

 

 

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