Scénario pour un monde parfait

Publié le par Michèle Soullier

Depuis l'avènement de la nouvelle civilisation, l'homme vit dans un monde urbain protégé et hyper-concentré. Hors la ville, c'est le désert, un désert où nulle vie n'est possible. Le règne animal et végétal ancien qui n'a pu être intégré au programme de sauvegarde a disparu, de même que les civilisations primitives.

Mais la paix règne. Les humains ont réussi à éliminer toutes sources de conflits par l'instauration du « solo ». C'est un gage de paix imparable ! Ils disposent chacun d'un boxe de 20 m2 qui leur a été affecté dès l'origine de l'ère nouvelle. Ils ne sortent pas. Pourquoi sortir quand on a tout sous la main ? Pourquoi rencontrer ses semblables quand on se suffit à soi-même ?

Le sommeil a fait l'objet d'une programmation et comme des automates ils se réveillent – à l'heure, branchent le perfuseur qui les alimentent en nutriments pour la journée (celui-ci est approvisionné grâce à un circuit automatisé depuis le laboratoire vers chacun des boxes). Ensuite, ils se connectent et mettent en route le programme des émotions qu'ils vont pouvoir consommer. Les saveurs, les parfums, les images, les sentiments auxquels ils ont droit, ont été établis selon un menu hebdomadaire équilibré et diversifié. Les émotions négatives font l'objet d'une censure sévère car le bien-être est obligatoire.

Un protocole qui prend en compte l'âge et l'ADN, établit périodiquement des contrôles médicaux intégrant la régénérescence des organes qui en ont besoin. Le sujet se place alors devant un grand scanner, l'imagerie est analysée par la clinique centrale et les soins par radiothérapie sont dispensés à distance. Je précise aussi que l'immortalité ayant été instaurée, la procréation est bannie.

Mais me direz-vous, qui est aux manettes de ce système parfait ? Qui produit la substance nutritive, qui contrôle les organes ?

Et bien, sachez que les hommes qui ont mis en place ces automatismes sont morts depuis longtemps ! Ils étaient les petites mains du système, un système parfait qui aujourd'hui s'auto-alimente, s'auto-régénère, s'auto-contrôle, comme un mouvement perpétuel, et plus personne n'est en capacité d'arrêter la machine.

Les survivants, les élus, sont condamnés au bonheur éternel pour leur plus grand désespoir !!

Photographie de Lucian Muntean

Publié dans L'air du temps

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