Convaincre, ce n'est pas asséner sa vérité comme on assène un coup de poing !

Publié le par Michèle Soullier

Photo Tristan ZilbermanJe te vois venir, avec tes gros sabots en ces temps pré-électoraux. T'es engagé, t'es militant, poing en l'air et bannière au vent...

Tu veux me convaincre ? D'un revers de la main, balayer mes idées « reçues ». Le verbe haut, les mots qui tranchent, tu balances la phrase qui fera tout basculer. T'en es persuadé !

Mais des idées, des points de vue, des opinions, comment ça vient ? Le sais-tu ? Ce long processus qui prend sa source au bain familial, se prolonge au bain social, Au grès des expériences, des enseignements... Si ça te constitue, est-ce que ça peut s'effacer d'un coup, si simplement ? Illusion de la table rase...

Nier ainsi mes idées, mes points de vue, mes opinions, c'est une violence ! Le sais-tu ? J'en ressors groggy, anéanti. Après la stupeur, la colère, l'envie de rendre œil pour œil...Ainsi va le débat ! Asséner sa vérité comme on assène un coup de poing. Tu n'écoutes pas, tu ne vois pas, tu avances et fais fi des réponses, tu méprises, tu écrases, t'es un rouleau compresseur. Tu déclenches la colère et la guerre. Mais le débat, c'est pas ça !

Laisser se déployer les logiques, les errances. Dire, et laisser dire les idées, les arguments. Dire, laisser venir, laisser cheminer…Les mots lancés interpellent, mettent en lumière une contradiction, éclairent une vieille question. Les opinions s'élaborent, les positions se déverrouillent. Le pas de côté. Vision circulaire, plutôt que frontale, en mouvement, plutôt que figée, et de nouvelles interrogations infusent la pensée. Tu me proposes des réponses. Je les médites, je les soupèse. S'intègrent-elles à ma vision du monde ? Puis-je les faire miennes sans me renier ? Sans créer de fracture brutale ou inconfortable.

Se crée alors un échange, comme deux matières de densité et de couleurs différentes qui font des arabesques lorsqu'elles se rencontrent, se mélangent et deviennent quelque-chose d'autre. Un dialogue...Différences, désaccords, dissensions comme moteur du débat démocratique. Ça te parle ? Eloge du conflit, qui n'est pas la guerre. Alors tu vois, convaincre, c'est pas asséner sa vérité comme on assène un coup de poing !

MS

Publié dans L'air du temps

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