La Lon....ongue phrase

Publié le par Michèle Soullier

Il m'annonce sans plus de détail, dans un message bref et laconique, qu'il vient d'être arrêté pour meurtre, qu'il est en garde à vue, sans avocat, tout en me disant qu'il est innocent, mais que dois-je penser, moi qui le connais, moi qui sais à quel point il est capable de s'emporter pour une broutille, de sortir de ses gonds, de se laisser envahir par ses émotions, submerger par des sentiments peu avouables, déverser brutalement tellement de haine, que c'est même pas imaginable, alors l'imprudent qui sans forcément penser à mal, et surtout sans se douter des conséquences, a peut-être eu le malheur de bousculer sa susceptibilité, d'écorcher son égo, a très bien pu subir un retentissant retour de manivelle jusqu'à l'irréparable, surtout si cet imprudent était un provocateur, un pervers, le retour de manivelle a pu en être décuplé, c'est pourquoi la nouvelle ne m'étonne qu'à moitié et d'innocence je me permets de douter, trop habituée à ses frasques, comme par exemple le jour où il a fracassé le pare-brise de voiture de mon associé, juste parce que celui-ci lui avait « manqué de respect », ou lorsqu'une autre fois, en entendant une altercation sur un de ses chantiers, il est descendu arme à la main et s'est mis à tirer des coups de feu en l'air, pour « calmer tout le monde », puis il y a aussi ses « petites vengeances », les après-coup, comme les multiples pneus crevés ou autres actes malveillants perpétrés pour donner « de bonnes leçons », le tout scandé par des : « ça lui apprendra ! », et cela, sans aucune mauvaise conscience, convaincu d'être dans son bon droit, de réparer des torts et faire justice, c'est tout cela qui m'amène à penser que d'innocence, il n'y a pas forcément, et à m'interroger sur ce qui a pu se passer lors de cette dernière folie, fatale cette fois...mais en même temps, j'espère l'erreur judiciaire, le coup monté, le complot, car cela est possible, avec la réputation qu'il s'est forgée il est aisé d'en faire un coupable, ainsi on se débarrasse d'un gêneur, d'un concurrent en affaire ou en amour, et hop ! d'une pierre deux coups on assouvi une vengeance et on neutralise un adversaire finalement assez fragile pour celui qui connait son point faible, en l’occurrence, sa violence à fleur de peau, il suffit de lui tendre le piège, de le laisser tomber dedans, et pour finir, de venir le cueillir comme un fruit mûr, ou plutôt comme un animal pris au collet, et là que dire lorsqu'on est affublé d'une telle étiquette, on peut bien clamer son innocence, c'est comme prêcher dans le désert, personne n'est vraiment disposé à entendre, si bien que lorsque j'envisage ce cas de figure, j'ai beaucoup de peine, et dans tous les cas, j'ai beaucoup de tristesse et de compassion pour cet écorché vif délirant, ce bourreau-victime, cet être en perdition néanmoins habité d'une rage de vivre, prêt à tout pour se défendre, qui lutte inlassablement sans jamais penser, ni se douter que quelqu'un, quelque part, peut lui vouloir du bien et l'aimer.

La Lon....ongue phrase

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